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Dès le début du groupe, Ian est celui qui organise les transports et s’occupe du matériel, puisqu’il est le seul à posséder un véhicule. Par ailleurs, en tant que pianiste, il ne peut transporter son instrument et est donc tributaire de ce qu’il trouve sur place. En l’absence d’un clavier décent, il se retrouve à jouer des maracas ou à ne rien faire. Cette situation a facilité son repli vers un rôle qu’en réalité il occupait déjà. Ajouté à sa discrétion naturelle et à son goût quelque peu aristocratique pour le golf, milieu où le rock n’était pas apprécié, cela a certainement adouci sa peine et lui a permis de passer les vingt-deux années qui ont suivies dans un confort moral que peu auraient partagé. Peu après la signature du contrat, Stu et Billl quittent leurs jobs, ce que Charlie avait fait depuis quelques temps déjà.

Le musicien

Dès octobre 1963, Stu joue à nouveau avec les Stones en studio sur Stoned, mais il ne figure pas sur Come On, la face A de leur premier 45 tours, une chance pour lui tant ce morceau est anodin. Avec le succès grandissant, ils donnent des concerts dans toute l’Angleterre et le rôle de Stu devient primordial, d’autant que la folie des fans va augmenter, rendant l’organisation des tournées de plus en plus délicate. Durant toute leur carrière, ils ne sortiront de leurs loges qu’après avoir reçu son feu vert : une phrase rituelle, genre «vous pouvez y aller, mes petites merveilles aux trois accords», ou des choses plus grossières. Bien sûr, il est de la tournée américaine de mai 1964, et participe aux fameuses sessions de Chicago, où il s’illustre véritablement sur des titres comme Down The Road Apiece et Stewed And Keefed. Plus étonnant, il s’est mis à l’orgue très tôt et il y fait des flammes, sur la version de Time Is On My Side, ou sur 2120 South Michigan Avenue, par exemple. Charlie et lui profitent de l’occasion pour aller voir des concerts de jazz, et tout au long de leur carrière, ils partagent tous les moments de détente de leur vie en tournée et en studio. Peu avant leur départ de Londres, il joue avec les Dowliner Sect, groupe classieux, et en 1965 il accompagne Clapton et Page sur les compilations “Blues Anytime” publiées par Immediate, le label d’Oldham, en 1968. C’est avec Jimmy Page qu’il aura le plus d’affinité, puisqu’il joue aussi sur l’album “Little Games des Yardbirds (le morceau Drinkin' Muddy Waters, juillet 1967) et surtout sur “Led Zeppelin IV” (Rock'n'Roll) et “Physical Graffiti” (Boogie With Stu), enregistrés tous deux en février 1971, avec le studio mobile. On l’aura compris, on fait souvent appel à Stu pour jouer de la musique très rythmée, car cet homme calme, et souvent renfermé, se déchaîne sur le clavier avec un sens du rythme et du phrasé étonnant. Ian assistera à chacun des concerts des Stones jusqu’à sa mort. Il les a suivi de Londres jusqu’en Australie, il a fait du cheval déguisé en cow-boy avec Keith aux Etats-Unis (1965) et va voir comment c’est derrière le rideau de fer en Pologne (1967). Bien sûr, il est dans le camp des calmes avec Charlie, ni les drogues ni les groupies ne le détournent des devoirs de sa charge. En 1965 et 1966, il est avec eux dans les studios de Chicago et surtout Hollywood, et la présence de Jack Nitzsche ne l’empêche pas de s’éclater sur de nombreux titres immortels de “Out Of Our Heads” et de “Aftermath”. C’est le premier “Age d’Or”. On l’entend aussi sur la plupart des bandes radio de la BBC entre 1963 et 1965. En 1967, il se marie avec Cynthia Dillane. Les tournées vont se calmer et il peut se poser et fonder une famille, à peu près en même temps que Charlie. Il aura un fils, Giles, en 1971. La tempête provoquée par les arrestations répétées des trois vedettes du groupe passe au-dessus de sa tête et il assure un maximum de parties de claviers en studio pour “Between The Buttons”. Le nouveau départ en 1968 le trouve prêt et tant en studio qu’au Rock‘N’Roll Circus, on le voit sur de nombreuses photos très joyeux de ce retour aux basiques, après les errances de “Their Satanic Majesties Request” qu’il déteste. Cependant, il ne joue pas sur certains morceaux pourtant fabuleux. Cet homme têtu a toujours refusé de plaquer sur son clavier des accords mineurs. Sa voix est entendue lorsqu’il faut choisir un nouveau guitariste après l’éviction de Jones. Mick Taylor d’abord, puis Ronnie Wood ensuite reconnaîtront que Stu a été très influent quant au “casting”. Après la triste mort de Brian, et le concert de Hyde Park, où il est sur le côté de la scène, la tournée américaine de 1969 lui donne l’occasion de remonter sur scène avec eux. Mais – ultime affront ? – le public ne fait que l’entendre jouer sur Carol, Little Queenie et Honky Tonk Women. Son piano reste caché derrière un rideau.

En 1970, il joue au grand jour cette fois en Europe, notamment sur Dead Flowers et les classiques de Chuck Berry qui ne sont pas moins de trois par soirée ! C’est le début du second “Age d’Or”. En cette même année et début 1971, il participe à Londres aux Howlin’ Wolf sessions avec Bill, Charlie et Eric Clapton, aux titres de Led Zep dont on a parlé et aux sessions des Stones qui donneront “Sticky Fingers”, mais aussi une partie de “Exile On Main Street”. En 1971, il participe au fameux show du Marquee Club, mais pour la tournée anglaise, c’est Nicky Hopkins qui assure le piano. En effet, la musique des Stones, comme celle des autres groupes, s’est enrichie et est devenue sophistiquée. Les claviers sont présents pendant tout le concert, alors pas question pour Stu d’assurer une durée aussi longue. Pas pour des raisons de compétence – bien que Nicky ait été incontestablement un pianiste avec une palette plus large –, mais parce que les tournées deviennent de plus en plus lourdes. Son travail de road manager lui suffit amplement. Et il est clair que dans ce rôle de confiance, Stu est irremplaçable. Cela étant, il n’a jamais été remplacé en tant que pianiste titulaire, puisque de 1973 à 1982 il a toujours joué, ne serait-ce qu’un titre de temps en temps, avec eux sur scène. Il semble que seule les tournée américaine de 1972 et en Australie en 1973 l’aient vu constamment sur le banc de touche, Nicky Hopkins étant alors au sommet de sa forme et quasiment un… septième Stone.

Un homme de confiance

Il est bien évidemment de l’escapade sur la Côte d’Azur en 1971, d’autant que le Rolling Stones Mobile, construit en 1969, est un peu son enfant ; il en assure habituellement la gestion et donc l’installation à la villa Nellcote, où tant d’excès seront commis. Mais musicalement, il n’est alors qu’un des nombreux intervenants lors de la conception de “Exile On Main Street”, sur lequel on l’entend certes mais où il ne tient pas la vedette. A partir de la tournée européenne de 1973, Billy Preston assure les claviers principaux sur scène puis en studio. Cependant, Stu jette encore des flammes, sur Star Star, par exemple. Par ailleurs, les tournées sont de plus en plus gigantesques, Keith de plus en plus camé, Mick de plus en plus starisé et le travail de Stu de plus en plus difficile. Il assure comme un chef, et quand arrive le gros pépin, il est là. Lors de l’arrestation de Keith à Toronto en mai 1977, il est à ses cotés, et même s’il refuse de porter un jugement moral sur ce petit jeune (Keith est moins ancien que lui dans les Stones et a 5 ans de moins), on sent qu’il désapprouve son attitude trop destructrice. Les jours qui suivent l’arrestation ressemblent à un cauchemar, avec les deux shows du Mocambo Club (les derniers avec Preston et Ollie Brown) très chaotiques, puis un sauve qui peut général après l’inculpation pour trafic de drogues de Keith. Seul Stu serait resté avec Keith, avant leur départ pour New York et quelques explications houleuses avec les autres membres du groupe, sur le thème de l’affrontement entre un irresponsable et des lâcheurs. De cette période, il resterait un témoignage extraordinaire, les Toronto sessions enregistrées au studio Sounds Interchange, où Keith chante accompagné par le seul Ian Stewart, ou par lui-même, des classiques de la country, du blues et de la variété, tels Appartment #9, ou Worried Life Blues, qui sont des chefs-d’œuvre de sensibilité et d’émotion. Gardons le conditionnel car certains titres auraient pu être enregistrés pendant les répétitions de la tournée 1981 à Long Island. De 1972 à 1979, Stu enregistre aussi avec Ronnie Lane, autre génie malchanceux du rock british, dont la mort à la suite d’une sclérose en plaque est aussi une grande perte. Après l’épisode terrible de Toronto, les Stones recollent les morceaux et, malgré les rancœurs accumulées, retournent en studio pour enregistrer le maximum de titres à Paris, en cas d’internement prolongé de Keith à la fin de sa liberté sous caution. Stu pianote plus que jamais avec eux et quarante titres sont enregistrés, dont certains aboutiront sur le fameux “Some Girls”, qui relance formidablement leur carrière. On peut entendre Stu sur des dizaines de titres, publiés ou non, tels So Young, Fidji Jin, Claudine etc. C’est au cours de cette période que Stu aurait pris une colère énorme et quitté une séance en disant qu’ils n’étaient qu’un groupe de boogie miteux plus nul que Status Quo, et il s’y connaissait en boogie Stu ! Tout ça pour dire qu’il y a eu des hauts et des bas pendant toute la période. Pour le problèmes de Keith, tout cela fini par un jugement clément et un concert de charité à Oshawa, Canada, durant lequel Stu reprend sa place au piano, Billy Preston étant définitivement hors-jeu depuis la tournée américaine de 1978, où Ian Mac Lagan, ex Small Faces, a assuré les claviers avec Stewart.

Stu solo

En 1979, Stu lance enfin son propre projet, Rocket 88, titre d’une chanson de 1951 chantée par Jackie Brenston avec Ike Turner au piano, l’un des premiers morceaux de rock’n’roll. Cette aventure ne se fait pas sans Charlie, avec en plus Jack Bruce et une section de cuivres. Ils tournent en Allemagne, jouent à Londres, sont diffusés à la BBC et sortent un disque live avec un succès d’estime. Ils joueront encore en mai 1984 à Newcastle, juste avant le concert en hommage à Alexis Korner en juin 1984 auquel Stu participe aussi avec son vieil ami Jimmy Page. Parmis ses autres réalisations, il joue un titre avec les Stray Cats sur “Gonna Ball”, et avec Alexis Korner, Bill et Charlie, en 1983, pour le vingt-cinquième anniversaire du Marquee Club. La même année, il organise et produit avec son ami Ronnie Lane la série de concerts caritatifs contre la sclérose en plaque du All Star Band, formation de musiciens comprenant entre autres Bill, Charlie, Eric Clapton, Steve Winwood, Andy Fairweather-Low et Chris Stainton. Sa dernière tournée avec les Stones est celle de 1981/82, où il joue sur scène avec Mc Lagan comme clavier principal. Ce sera leur plus grande tournée depuis leurs débuts, presque entièrement en stade. il participe au concert en club, le Paard Van Troje, à La Haye le 3 juin, avec Mick et Bobby Keys. Ils font trois morceaux de Chuck Berry avec Georges Thorogood, qui faisait alors la première partie de toute la branche européenne de la tournée. En avril précédent, Stu apparaît au piano et à l’orgue sur sept titres de l’album de Thorogood “Bad To The Bone”. Cela explique comment il a pu amener Mick à participer à un aftershow. Cette tournée est faite pour lui plaire cependant, puisque le son est brut et le répertoire peu sophistiqué, avec des classiques rock et même rockabilly. Bien sûr ce n’est pas leur meilleure tournée, mais avec le recul, ça se laisse écouter, surtout justement les morceaux roots avec Stu, comme Twenty Flight Rock ou Going To A Go-Go. Enfin, couronnement, il joue au club de Buddy Guy à Chicago, où il accompagne le grand Muddy Waters avec Mick, Keith et Ronnie. La musique qu’on y entend, quelles que soient ses qualités réelles, nous fait fondre en larmes d’émotion, tant elle charrie de pouvoir évocateur et de souvenirs, après le décès de Stu et de Muddy. Ainsi, la boucle était bouclée, depuis leur arrivée à Windy City, en juin 1964. Le dernier album qu’il voit sortir est “Undercover” en 1983, enregistré à Paris en 1982. Là non plus, pas génial, mais Stu joue sur She Was Hot, qui est un bon morceau. En février 1985, les Stones sont désunis à cause des querelles entre Mick et Keith, dont les égos sont devenus monstrueux, et qui n’en finissent pas de s’affronter. Mais enfin, ils sont à Paris pour soit-disant enregistrer un nouvel album. Ce sera les derniers enregistrements de Stu avec les Stones, dont un extrait figure à la fin de “Dirty Works”. A ce Stade, Mick et Keith en viennent parfois aux mains et l’avenir du groupe semble définitivement compromis. Sur ce, alors qu’il travaille sur le projet d’orchestre de jazz de Charlie, leur passion partagée allait enfin aboutir à un résultat concret, voilà que Stu est terrassé par un traître d’infarctus, le 12 décembre 1985, à 47 ans. Quelle honte ! Lui, le sportif raisonnable et sobre, du moins par rapport aux autres. Les Stones sont plongés dans la tristesse par cet événement. Ils lui rendent hommage en 1986, par un concert où d’autres vieux amis viennent jouer, tels Jeff Beck et Eric Clapton.

On ne sait si c’est la mort de Stu qui ressouda le groupe, mais on peut le penser. Ils se sont rendus compte de la connerie qu’était leur séparation, qui a semblé effective début 1986. Vingt ans plus tard, ils jouent toujours la musique que Ian Stewart et Brian Jones aimaient, rock simple et bien balancé, et blues râpeux à souhait. Et mieux que jamais.

Jean-Luc Lopez
Article paru dans Stones News n°44

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photo Dominique Tarlé