09/07/03 - Stade de France - Paris, France Set List: Brown Sugar Report: On peut voir les Stones au SDF et être génialement bien placé. Vous arrivez tranquille à 17h30, secteur Ouest porte S, on vous pique vos grandes bouteilles d'eau minérale (comme si les petites de 50 cl n'étaient pas de possibles projectiles !), puis on vous dit de marcher sur le tapis rouge, et vous vous retrouvez sur un caillebotis blanc, dans le triangle "or" où personne ne s'entasse, jalousement observé par les spectateurs pelouse "classique" qui se pressent derrière la barrière. Solide, la barrière ne tombera pas. Vous êtes à 20 mètres, parfois moins, côté Ron Wood (mais le même triangle existe côté Est, côté Keith, et de toute façon ils bougent, la chorégraphie fluctue), vous voyez déjà les gouttes de sueur sur le T-Shirt des Stereophonics
Privilège ? VIP ? Mais non ! J'ai fait la queue à la FNAC comme tout le monde et payé mon billet 84,50 e à la vue d'un plan ! Pour les avoir devinés en 98 dans la tribune sud, j'ai mesuré l'énorme différence. J'ai bien regardé la scène. Immense, forcément immense, mais aussi sobre que la batterie de Charlie. Virés les décors post-industriels, les nacelles, les têtes de dragons cracheuses de feu et autres monstres plus ou moins gonflables. Viré aussi l'écran vidéo pour les assis au fond qui préfèrent la télé. Il y a bien quelques accessoires (fumigènes et confettis) et les costumes, teintes vives et chapeau exagéré, mais le dressing ouvertement posé sur scène indique la tendance : just a rock'n'roll band. C'est juste la musique qu'on joue et la lumière qu'on sculpte, ce soir. Light show de rêve et d'enfer, flammes vraies et brûlures rouges pour Sympathy For The Devil
Jagger est inchangé. Ce type a tout gardé : la silhouette, la voix, les cheveux, les hanches, la gestuelle, l'énergie, le contrôle, l'humour, son élégance de dompteur (à part les pesantes chaussures noires) et sa noblesse faunesque (qui n'a pas attendu la royale reconnaissance). C'est lui, bleuité païenne dès l'intro de Brown Sugar, qui tire le groupe vers le ciel, l'Olympe dessinée par Peelaert il y a 30 ans. Je n'en dirais pas autant des autres. La veste mauve de Keith ne me dérange pas, le jean serre-burnes de Ronnie et les cuisses impressionnantes de Lisa Fischer non plus. Mais quoi, qu'ont-ils à se dire de si désopilant, Keith et Ron, pour nous refaire éternellement leur numéro de pochards désintoxiqués ? Quelles sont ces manières simiesques de se frapper la poitrine et de jouer de la guitare, manche en avant, comme si l'instrument sortait de la braguette, quitte à l'oublier après ? Joie d'être encore là, sexy sexagénaires, riches et vivants ? Oui, oui
L'attitude des duettistes pose quand même problème. Renvoyons dos-à-dos les ravis de la voyoucratie stonienne intacte et les culs tristes qui pourraient leur reprocher un certain manque de tenue. Je veux ici vous livrer la réflexion d'un gamin de 15 ans qui a assisté au concert du 9 juillet, qui apprend la guitare en tentant de recopier les soli de Jimmy Page et qui se trouve être mon fils (au fait, très peu d'ados sur cette pelouse or). Il me dit : "On dirait qu'ils s'en foutent". Et il ajoute : "Il y a des trous dans les morceaux". Si je mets à part la provoc' et sa dangereuse fascination pour les guitar-heroes (les solistes démonstratifs), il reste, après débat, une impression générale de désinvolture. Or, c'est bien le contraire qui était espéré, dès le coup d'envoi du Licks Tour. Quel était l'intérêt majeur de cette tournée alors que, fait sans précédent, nous étions sans album frais depuis cinq ans ? Recompter les rides de Mick Jagger ? Admirer une nouvelle fois leur longévité sportive en pensant que c'est la der des ders ? Trop pas. Il y a maintenant presque un an qu'on nous bassine avec la désintoxication de Ron Wood, les solos de Ron Wood, la résurrection de Ron Wood
Bref, la promesse majeure du Licks Tour était musicale. Ou comment Ronnie, enfin rendu à sa fraîcheur initiale, allait faire le Mick Taylor tout en restant Ron Wood. Ou comment les Stones aborderaient sans retenue tous les épisodes de leur glorieuse carrière, du Chicago sound préhistorique au sublime baroque blues des albums intouchables
Ayant visionné et surtout écouté le show de HBO, le concert du Madison du 18 janvier dernier, j'ai vraiment cru que la magie était revenue. Non pas pour leur puissance, leur jeunesse éternelle, leur visible jouissance mais parce que, après trente ans d'approximations, les deux guitares s'entrebaisaient enfin. Pas une révolution (inutile !), presque rien, la différence qui sépare les dieux repus et les dieux menacés, une distance audible et franchie, qu'on peut finalement ramener à ça : moins de désinvolture et plus de concentration. Relâchement prévisible après dix mois de tournée triomphale ? Le concert du SDF, festif, débraillé, éblouissant mais convenu, ne m'a pas fait grimper aux étoiles. La faute aux deux guitaristes et pas au chanteur ? Je l'affirme, mais il faut nuancer. D'abord, je tiens à dire que le concert du 25 juillet 1998, même soleil, m'avait laissé de marbre. Ce concert-ci, je l'ai vécu tout près d'eux, au bord de leurs tics, de leur cirque et de leur vie d'un soir. Jusqu'à l'illusion de retrouvailles entre amis. Non, je n'étais pas assez près de la passerelle pour me faire claquer la main par celle de Keith, mais c'était intime. Dans un certain périmètre, les idoles sont humaines, on peut aimer leurs défauts. On discerne mieux les faiblesses, mais on sent mieux les forces, la fragilité de la réussite. Photo:
(Photo: Yahoo) |
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